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des mots et des blancs dessous
14 octobre 2008

Il n’y a pas de toilettes en Bulgarie (4)

On a mis du temps à me le dire. Mes parents sont morts. Maman n’est plus sortie du coma. Papa a fait un arrêt cardiaque quand on lui a dit que sa femme, la mère de ses enfants était morte. Il n’y avait personne quand je suis arrivé. Giordano était introuvable. Les infirmières que j’arrêtais me renvoyaient chaque fois à une collègue. Je marchais au hasard des couloirs, Julien dans les bras. Il n’avait posé aucune question. Il regardait ce qui l’entourait l’air sérieux, silencieux. Finalement, on a bien dû me le dire. Et puis, j’ai vu Giordano. Il était dans le parc, il pleurait assis sur un banc. Il avait les mêmes gestes que quand enfant et qu’il était puni ou mécontent, il baissait la tête, le menton sur la poitrine et il sanglotait. Cela avait toujours eu son effet sur maman, les maîtresses d’école, les femmes en général. Cette fois, personne ne viendrait le consoler. Je n’ai pas écouté ce que le médecin, finalement disponible, me disait, que pouvait-il changer à l’histoire ? Je le regardais, souriais et hochais la tête. Il semblait satisfait, je ne lui causerais pas de problèmes. Je laissais cela à Romolo. Son mètre nonante et ses 130 kg feraient certainement l’affaire. Le docteur Durand trouverait avec lui quelqu’un à qui parler. « Pourquoi tu mens ? ». Julien le regardait bien en face et lui répétais calmement « Pourquoi tu mens ? ». Le médecin avait rougi et avait dit qu’il avait d’autres patient à aller voir. Il ne ferait pas le poids avec Romolo, mais ce n’était pas mon problème. J’ai repris les couloirs en sens inverse. « Pourquoi tu as dit au docteur qu’il ment ? » J’avais calé Julien contre moi. La ceinture nous collait tous les deux contre la banquette du taxi. « Parce qu’il ment ? » « Comment tu sais qu’il ment Julien ? » « Parce que nonna et nonno y sont pas morts ». « Si, ils sont morts. Ca arrive quand on est très vieux ». « Oui, je sais, mais ils sont pas morts ils sont dans une maison près du château. C’est tout vert, il y a une fontaine mais plus d’eau. C’est drôle hein ? ». « Qu’est-ce que tu dis mon bonhomme ? » Julien ne mentait jamais, et je ne crois pas qu’il avait une imagination capable d’inventer une telle chose. « Nonno et nonna ne sont pas morts. Ils sont dans la maison près du château. Ils m’ont dit qu’on peut aller les voir si on veux. » « Quand ils t’ont dit ça Julien ? » « Ben ce matin, avant que je me réveille. On était tous dans la maison près du château. On va aller les voir ? » « Mais comment tu es allé là-bas Julien ? » « Je sais pas. J’étais avec nonno et nonna, et ils disaient qu’on pouvait venir. » « Tu as rêvé mon bonhomme. Un drôle de rêve. Ca arrive parfois que l’on rêve de ceux qui vont partir. On appelle ça des rêves prémonitoires. Tu n’étais pas avec eux. » Julien a retourné sa tête contre ma poitrine. Il me regardait la tête à l’envers. Ses yeux me fixaient. Il avait un sourire très doux. J’ai reconnu celui de ma mère quand elle était certaine de quelque chose et que personne ne la croyait. « Parlez parlez, vous verrez que c’est moi qui avait raison. » Nous sommes arrivés à la maison de mes parents, sans plus avoir échangé aucun mot. Romolo y était toujours. A peine ma-t-il vu que « Pourquoi t’as raccroché tout à l’heure ? Parce que t’es le plus grand, c’est ça !? » « Romolo, ils sont morts. » « Mais quoi ils sont morts ! qu’est-ce que tu racontes encore !? » Il m’a bousculé et est sorti laissant la porte grande ouverte. Je n’ai revu personne ce jour-là. Je me suis installé avec Julien dans ma chambre. Nous avons dormi dans ce qui était toujours resté mon lit. Je n’ai pas bien dormi. Je n’ai jamais bien dormi avec Julien près de moi. (à suivre...)
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