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des mots et des blancs dessous
23 octobre 2008

Bon voyage au Malvenu (1)

Paul Verschelde s’est réveillé tard. Le soleil qui illumine toute la chambre à coucher l’a ébloui dès qu’il a ouvert les yeux. Le réveil est arrêté. Il lui faut de longues minutes pour sortir complètement de l’inconscience. Dans le lointain, il entend une fanfare et une sirène de bateau. « C’est le dernier bateau qui s’en va » pense-t-il. Cette pensée le trouble, car il n’y a plus de bateau dans la ville depuis que le canal avait été vidé de ses eaux fétides et transformé en zoo. Paul se lève et va voir à la fenêtre. L’avenue est déserte. Les portes et les fenêtres sont toutes fermées. Des banderoles blanches, secouées silencieusement par le vent, souhaitent Bon voyage au Malvenu. Il fait chaud. Paul retourne s’asseoir sur le lit. Il a le sentiment qu’une chose grave est arrivée, mais ce n’est qu’une impression, tout ce dont il se souvient, c’est de son rêve, celui d’un vieil homme qui se demande « Pourquoi, alors que nous naissons au même âge ne mourrons-nous pas au même âge. Comment se fait-il que le temps de vie de chacun n’est pas le même ; ce serait bien mieux ! », avant que lui ne se retrouve dans une pièce où gisent des centaines de lits encombrés de vieillards agonisants sous une horloge. Le malaise que ressent Paul Verschelde n’est pourtant pas du au rêve. Sa tête lui semble minuscule, comme enfouie dans un déluge d’ouate et balancée d’un mouvement lourd et lent, comme celui d’un bateau qui se repose d’un long voyage, se laissant bercer par les eaux. La fanfare se rapproche. Les mélodies qu’elle joue, bien qu’encore indistinctes, sont plus audibles. Paul Verschelde retourne à la fenêtre. Il aperçoit un homme et un enfant qui courent et qui disparaissent « en direction du parc » pense-t-il. Un bruit de chaise. Cela vient d’en bas. « Réjane ! » Il n’a pas encore pensé à elle depuis son réveil. Il passe un peignoir et descend. Il trouve Réjane dans la cuisine. Elle arrange les tulipes dans un grand vase bleu. Elle ne l’a pas entendu arriver. « Bonjour… » dit-il. Au son de sa voix, elle se raidit et emporte les fleurs dans une autre pièce. Quelque chose a changé dans la cuisine, Paul cherche mais ne trouve pas. Quand Réjane revient, il lui demande s’il se passe quelque chose de particulier en ville. « J’ai entendu comme un coup de sirène tout à l’heure, et puis, il y a la fanfare. Tu as entendu la fanfare ? » Réjane le regarde fixement, hausse les épaules et lui demande s’il veut du café. Il l’observe. Cheveux châtains, yeux clairs, un peu de poil au coin des lèvres et au menton, petite, la taille large, une robe à fleurs. Il regarde le jardin à travers la baie vitrée. Le petit abri pour oiseaux qu’il avait placé sur le mur du fond, quelques mois plus tôt, n’a toujours pas trouvé preneurs ; les roses vont bientôt éclore et la pelouse mériterait d’être tondue. Paul Verschelde a l’impression de redécouvrir ce qui l’entoure, comme après une longue absence. (à suivre...)
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